Au Printemps des Monstres : review


Une revue en français pour changer. De toute façon, plus de 900 pages pour ma version, est ce que ce livre sera un jour traduit en Anglais ?

Au Printemps des Monstres est un livre roman/documentaire/enquête à la cold case/autobiographique dans lequel Philippe Jaenada raconte et retranscrit ses recherches sur le fait divers sordide du meurtre de Luc Taron, 11 ans, dans la France des années 60, et pour lequel Lucien Leger (futur recordman de la plus longue peine de prison purgée en France, youhouu) fut condamné.
Alors, ultra résumé comme ça, c’est pas ouf comme pitch a priori, mais ce sont les 905 pages que j’ai lu le plus rapidement de ma vie, tellement la narration est passionnante.

L’Etrangleur, ça vous dit quelque chose ? Pour moi c’était “vaguement”. Des tarés qui tuent des gamins, il y en a eu plein “après la guerre”. Mais le cas de l’Etrangleur a fasciné la France pendant 40 jours très intenses pendant lesquels il jouait avec les médias, et pendant les années de procès à rebondissement (ou pas) qui ont suivies. Mais il y a aussi des événements avant le meurtre. Et pendant l’enquête, et après l’enquête, et pendant le procès et après le procès. Bref, Philippe ne rate rien.

Philippe épluche tout. Les archives nationales, départementales, des documents officiels de l’enquête, la presse de l’époque, les correspondances des avocats, les lettres entre les protagonistes conservées par les familles, les reportages, les autres livres écrits sur le sujet…
Il revient sur tous les détails même parfois les plus anodins. Il fouille dans le passé et les affaires personnelles tous les personnages (je n’ose pas imaginer le nombre d’heures passées dans les archives des services publiques et le nombre de demandes d’accès à des documents qu’il a fallu faire pour écrire ce bouquin) et il découvre encore des informations nouvelles et établit des connexions manquées, 50 ans après les fait.

Véritable artiste de la digression, Philippe manie la parenthèse comme personne et sans jamais perdre le fil, il ajoute toujours une petite info utile (parce que bon, les heures à lire des archives, il faut se les farcir alors une info dans une parenthèse c’est peut-être le résultat de 300 documents qui ont été lu sous la lumière d’un néon blanc au fond d’un sous sol qui sent l’humidité) sans jamais que ça fasse trop. Quand il est à court de parenthèse ou quand la tension (et le dégoût parfois) monte trop, Philippe raconte sa vie. Oui, parfaitement, au milieu de faits sordides, Philippe fait des parallèles avec sa vie qui n’a rien à voir avec tout ce drame et raconte ses rendez-vous médicaux, opérations, contraventions.

Contravention? Oui, Philippe prend une contravention dans cet ouvrage, alors qu’il retrace lui-même les itinéraires des protagonistes, 50 ans plus tard (il met main dans le cambouis). Il retracera bien d’autres itinéraires sans problème, mais avec quelques frissons, allant jusqu’à passer quelques temps sur le lieu de découverte du cadavre de Luc. Il dormira aussi dans appartements devenus hotels où certains suspects ont vécu, et trouvera des tombes sans nom.
Il trouvera aussi des gens encore en vie pour parler de l’enquête, des vieux témoins, des gens qui sont passés par là (mais jamais Philippe Modiano pour lequel il semble avoir une obsession bizarre) ou leurs enfants.

Des lieux, des époques, des gens, des rencontres et en fond, une vieille France et sa capitale, déjà loin de celle d’Hemingway.

Les monstres ne sont peut-être pas ceux qu’on pense, les héros, les coupables, les mensonges et leurs menteurs, les fous, les amis, les ennemis non plus.

Un grand merci à ma tante pour ce cadeau fabuleux. Je recommande chaudement cet ouvrage à tous les detectives en herbe et amateurs de détails en noir et blanc.

Fab
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